Voyage d'hiver
Winterreise Voyage d'hiver | |
Page de titre de la première partie du Winterreise parue en janvier 1828 chez Tobias Haslinger. | |
Genre | Lieder |
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Musique | Franz Schubert |
Texte | Wilhelm Müller |
Effectif | Chant et piano |
Durée approximative | 70 minutes |
Dates de composition | 1827 |
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Winterreise (ou Voyage d'hiver en français), D.911, est un cycle de 24 lieder pour piano et voix, composé par Franz Schubert en 1827, un an avant sa mort, sur des poèmes de Wilhelm Müller.
Les poèmes de Müller correspondent parfaitement à l'état d'esprit du compositeur à ce moment-là : fatigué, découragé, il se reconnaît dans le narrateur dès qu'il découvre les poèmes. Voyage et solitude sont les thèmes principaux et ce qui appartient au bonheur n'apparaît que sous forme de souvenir et d'illusion. Schubert mêle dans ce cycle à parts égales le duo instrumentiste et chanteur, anticipant Schumann.
Le cycle du Voyage d'hiver ou Winterreise est sans doute le plus beau recueil de lieder de Franz Schubert. Par sa densité et son dramatisme, l'œuvre dépasse tout ce qu'il a produit dans le genre. Schubert a trente-et-un ans. Il commence le cycle en pour les douze premiers lieder et lorsqu'il en découvre les autres durant l'été, il le complète d'un second cahier, achevé et mis au propre en octobre de la même année.
Après une période créatrice et humaine difficile pour le musicien, ces lieder sont le « prélude » à ses plus hauts chefs-d'œuvre que sont le quintette à cordes en ut, le quatuor à cordes n° 15, les trois dernières sonates pour piano dont la sonate no 21, les impromptus, la Fantaisie en fa mineur, la Messe en mi majeur, ou la grande Symphonie en do. Plus sa mort pressentie approche, plus sa musique devient profonde et émouvante.
Le Voyage d'hiver est l'œuvre la plus triste du compositeur, il n'y a aucune issue ; l'hiver est la mort. Schubert est un solitaire dans Vienne, il est très peu connu et mis à l'écart par le succès de son modèle, Beethoven. Schubert vit dans la maladie, la solitude et l'angoisse de la mort. « Le but de ce Voyage d'hiver, c'est la mort[1]. »
Bibliothécaire et professeur dans un lycée, Wilhelm Müller (1794–1827), auteur des textes, est un poète du premier romantisme. Ses thèmes sont en affinité et comme l'expression de l'état d'abattement où se trouvait alors le musicien. En effet, il s'identifie sans mal à cet homme blessé par un amour non partagé décrit par les poèmes, à ce malheureux vagabond errant en plein hiver – même si Schubert ne voyagea jamais. Müller est influencé par les romantiques Novalis, Clemens Brentano et Achim von Arnim, ceux-là mêmes que critique Gœthe dans les Conversations avec Eckermann : « Ils écrivent tous comme s'ils étaient malades et le monde entier une infirmerie. » Müller écrivait :
« Je ne sais ni jouer, ni chanter, quand j'écris des poèmes, je chante et je joue. Si je pouvais créer moi-même mes mélodies, alors mes lieder plairaient encore plus que maintenant. Mais j'espère avec confiance qu'il pourra se trouver une âme semblable à la mienne qui saisisse les mélodies glissées sous les mots et qui me les restitue. »
Franz Schubert fut cette « âme semblable ».
Heine, si clairvoyant sur les causes réelles du romantisme, logées dans l'absence de liberté politique, rend hommage au poète[2] et dit son admiration : « Combien purs, combien clairs sont vos chants et dans leur ensemble ce sont des chants populaires. » La diffusion populaire du Tilleul lui donne raison.
Un autre recueil de Müller, « Chants grecs », où – sous couvert de la lutte pour l'indépendance des Grecs contre l'occupation turque – il s'en prend au sombre système réactionnaire de Metternich, accentue la conscience de la réalité, et nous aide à profiler le sombre Voyage d'hiver dans un contexte anti-démocratique. Ainsi poèmes et musique sont un des témoignages les plus bouleversants « de cet asservissement politique, que Heine donnait nommément comme cause véritable de l'ironie romantique et de la difficulté d'être[3]. »
L'écriture ou plutôt l'organisation du recueil définitif de Müller publié en 1824 et composé de vingt-quatre poèmes, connaît trois étapes[4], toutes publiées. Après la première parution dans Urania, intitulée Wanderlieder von Wilhelm Müller — Die Winterreise In 12 Liedern, le poète ajoute dix poèmes. Par rapport aux premiers, portés par la métaphore amoureuse, les seconds sont plus profonds, métaphysiques, jouent de double sens, absent dans l'édition Urania. Ces nouveaux textes correspondent au second cahier de Schubert – sans les poèmes nos 13 et 19. La dernière étape, celle que découvrira le musicien à la fin de l'été, se présente dans l'édition complète, où Müller remanie encore en inversant les nos 16 et 15 et en insérant deux textes supplémentaires à leur place connue, les nos 13 et 19, « sans doute pour atténuer la disparité[4] » thématique entre l'inspiration initiale et son évolution. L'œuvre définitive est dédiée par Müller à Carl Maria von Weber, « le maître immortel du Lied allemand ».
Le recueil est peu peuplé de choses animées ou inanimées. Et ce qui apparaît n'est qu'une figuration de son état d'âme : les girouettes ne désignent que le vent, les poteaux indicateurs des noms qui trompent le voyageur, la nature entière ne lui renvoie que sa propre image, une nature désolée, gelée, comme sans dieu[5], un monde privé de sens[6].
Schubert avait déjà mis en musique un cycle de poèmes intitulé La belle meunière (1823) dont il partage le thème de l'amour non partagé et sont placés « tous les deux sous le signe de l'errance, l'un des thèmes majeurs de l'époque et du lied schubertien[7] ». C'était l'époque où il a découvert sa maladie, la syphilis, suivie de périodes passées à l'hôpital où il compose certains lieder, d'après ses amis. Il était touché par l'émotion directe et sensible du poète. Mais la nature des régions traversées dans les deux recueils est tout à fait différente[7].
Müller, estimé par ses contemporains pour ses « Chants grecs », ne connut sans doute jamais Schubert et serait tombé dans l'oubli ou l'anonymat sans le musicien.
Quatre ans après avoir mis en musique le cycle, La belle meunière, Schubert peut lire douze nouveaux poèmes découverts dans la bibliothèque de son hôte, son ami Schobert, l'année même du décès de Wilhelm Müller (1827). Winterreise semble reprendre là où en était le voyageur : La belle meunière en effet, s'achève sur les mots Gute Nacht, alors que le Voyage commence avec un poème portant ce titre. Mais chez le musicien, comme chez Müller, l'expression a considérablement évolué : le matériau musical est concentré à l'extrême, les proportions sont une épure de langage et va droit au cœur. Alors que le précédent recueil décrivait une courbe de l'espoir vers le désespoir, le Voyage reste constamment dans le registre de la lassitude, de l'aspiration au silence de la tombe. Le recueil est une « véritable confession musicale et [a] été baptisé dans le sang d'une vraie et profonde souffrance » (Bauernfeld)[8].
Schubert a composé en deux fois les vingt-quatre lieder qui constituent l'ouvrage. Sa forme actuelle, nous la devons à une série d’accidents[9]. Il découvre une première série de douze poèmes et les met en musique en , sans toucher à l'ordre[10] ainsi que le donne la revue littéraire de Leipzig Urania, Taschenbuch auf das Jahr 1823. Cette série de poèmes est groupée par Müller sous le titre de Voyage d'hiver. Schubert reprend donc simplement le deuxième titre. Pour lui, l'œuvre est achevée[4] et il écrit Fine au bas de la page du douzième lied, Einsamkeit, originellement en ré mineur, c'est-à-dire retournant à la tonalité du premier.
Dès le premier lied, Gute Nacht / Bonne nuit, la tonalité est donnée : mineure : elle le restera tout du long, sauf les éclaircies de Lindenbaum et Frühlingstraum. L'action a déjà eu lieu : la bien-aimée n'est plus sienne, et Müller dit adieu au monde[11] ; Schubert l'entend sur un rythme de marche. La musique et les paroles sont portées par le chagrin amoureux et figurent des états de conscience inquiétants. Le caractère sombre du musicien – « l'hiver est tombé sur son âme » dit Marcel Beaufils[5] – pendant la composition impressionne ses amis[12], d'autant que la première partie du cycle est justement fondée sur une rumination du souvenir, propre au romantisme. Un ami de Schubert écrit :
« Schubert fut pendant quelque temps d'humeur sombre et paraissait souffrant. Comme je lui demandais ce qu'il lui arrivait, il eut cette seule réponse : Vous l'apprendrez bientôt et vous comprendrez pourquoi. Un jour il me dit : Viens aujourd'hui chez Schobert. Je vais chanter un cycle de lieder à vous faire frémir. Je suis curieux de voir ce que vous en direz. Jamais lieder ne m'ont tant touché. D'une voix toute émue, il nous chanta dans son entier le Voyage d'hiver. Nous fûmes totalement abasourdis par le climat lugubre de ces lieder et Schobert dit n'avoir apprécié qu'un lied, Der Lindenbaum/Le tilleul. Ce à quoi Schubert se contenta de répondre : Ces lieder sont ceux que je préfère entre tous, et ils finiront par vous plaire à vous aussi. Il avait raison. Bientôt nous fûmes enthousiasmés par la mélancolie de ces pages vocales que Vogl interprétait magistralement. »
— Joseph von Spaun, Écrits sur ma relation avec Franz Schubert (1858)[13].
Convaincu d'avoir une œuvre complète avec les douze poèmes qu'il a mis en musique (lieder 1 à 12), Schubert invite ses amis à la première audition, le au soir. La musique les laisse en désarroi, ils sont déçus par les textures clairsemées, par son manque de charme[14]. « Il ne retrouvaient plus leur gentil Franz, le bon compagnon des Schubertiades, le Viennois facile, l'ami souriant et serviable[15] » Schubert se retrouve seul, même avec ceux qui l'aiment.
Un autre de ses amis témoigne : « L'ironie du poète, prenant ses racines dans le désespoir, trouva en lui un écho et lui donna une expression musicale mordante. J'en fus douloureusement ému. » écrit Johann Mayrhofer (Souvenirs sur Franz Schubert, 1829)[8].
Quelques mois plus tard, sans doute à la fin de l'été 1827, Schubert découvre le second volume complet des poèmes de Müller intitulé, « Chants de la vie et de l'amour » publié en 1824 à Dessau. Il décide donc de mettre en musique les douze nouveaux poèmes, qui ne figuraient pas dans Urania. Entre les deux éditions, l'ordre des poèmes est différent et tient au poète et non à l'idée du musicien. Le tableau suivant montre que Schubert respecte l'ordre des poèmes tels qu'il les trouve dans les deux ouvrages publiés dont il a connaissance. L'ordre des vingt-quatre lieder n'étant la résultante de la découverte différée des douze derniers non mis en musique, et s'achève sur le dernier lied où le poète demande au joueur de vielle – symbole de la mort – s'il peut le rejoindre pour en finir. « Son refus de toucher à l’intégrité des douze lieder déjà achevés nous dit combien il était satisfait de son premier cycle[9] »
L'unique permutation volontaire de Schubert, qualifiée en quelques mots d'« enchaînement, hypnotique et sans pareil[16] », se trouve dans ce second cahier : Mut trop clair, passe avant Die Nebensonnen[10] qui lui, par son climat, s'approche à pas feutrés, dans l'atmosphère la plus extatique des vingt-quatre lieder[17] et une harmonie pacifiée, du décharnement du lied final Der Leiermann, comme une étape ultime de « la raison chancelante, la désillusion face à la réalité, la distorsion hallucinatoire, l'errance, l'aliénation vis-à-vis de la société[18]… ».
Entre les deux périodes de composition un élément vient encore accroître son point de vue personnel, celui de sa condamnation à mort plus présent encore : Beethoven est mort en . Le choc est terrible pour le musicien. À l'enterrement, il est porte-torche parmi les trente-six du cortège au côté de Grillparzer[19].
Titre(Waldhornisten Lieder, 1824) | Winterreise I(Urania, 1823) | Winterreise II |
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1. Gute Nacht | 1 | |
2. Die Wetterfahne | 2 | |
3. Gefror'ne Tränen | 3 | |
4. Erstarrung | 4 | |
5. Der Lindenbaum | 5 | |
6. Die Post | 1 (13) | |
7. Wasserflut | 6 | |
8. Auf dem Flusse | 7 | |
9. Rückblick | 8 | |
10. Der greise Kopf | 2 (14) | |
11. Die Krähe | 3 (15) | |
12. Letzte Hoffnung | 4 (16) | |
13. Im Dorfe | 5 (17) | |
14. Der stürmische Morgen | 6 (18) | |
15. Täuschung | 7 (19) | |
16. Der Wegweiser | 8 (20) | |
17. Das Wirtshaus | 9 (21) | |
18. Irrlicht | 9 | |
19. Rast | 10 | |
20. Die Nebensonnen | 11 (23) ↓ | |
21. Frühlingstraum | 11 | |
22. Einsamkeit | 12 | |
23. Mut | 10 (22) ↑ | |
24. Der Leiermann | 12 (24) |
Le choix de Schubert de garder l'ordre des poèmes tels qu'ils se présentent, fait que les plus sombres (Der Wegweiser, Das Wirtshaus et Die Nebensonnen) sont groupés dans la deuxième partie, alors que les plus clairs (Irrlicht et Frühlingstraum) sont dans la première partie.
Le choix total est simple : le mineur est largement dominant, soit seize sur vingt-quatre et dix sur douze dans le premier cahier. Le schéma tonal est rigoureux pour la première partie : deux lieder ré et la mineur ; deux lieder dans des tonalités avec bémols : fa et ut mineur ; puis trois dans des tonalités avec dièses : mi majeur, fa et mi mineur. La seconde partie ne l'est pas moins, mais dans une forme différente.
Les quelques transpositions de l'original sont effectuées par Haslinger, car Schubert compose parfois dans une tessiture trop aiguë. Quatre lieder sont abaissés d'un ton et un d'une tierce. Pour le no 7 Auf dem Flusse, Schubert fait quelques corrections pour les dernières mesures d'un finale alternatif.
Schubert fait coller une note à une syllabe presque dans tout le recueil[21]. Lorsque la monotonie syllabique intervient, comme dans Der Lindenbaum et Die Krähe, il s'agit d'une métaphore de la folie[21] dans laquelle tombe le voyageur.
« L'unité de l'ensemble devient au plus profond une unité de la démarche, une unité de climat[22] » on pourrait même dire que Schubert conserve un statisme accentué par la reprise du prélude en postlude. « Les vingt-quatre stations de Schubert sont un chemin sans croix ni chemin[6] », décrivant les différentes facettes, tragiques, de l'état d'âme du poète, perturbé par des souvenirs du bonheur perdu, comme des ombres (évoqué systématiquement en majeur, mais moins présent et moins nettement dans le second cahier[23]). Le voyageur, tant terrestre que sentimental, est perdu, sans espoir et avec la sensation d'être au bord du vide, entre suicide et folie. Le musicien en révèle la voix intérieure dans son dépouillement, sa solitude totale.
La relation au monde est réduite au minimum dans le premier, seul le no 9 Irrlicht faisant intervenir le feu-follet. En revanche, dans les poèmes du second cahier, la nature est plus agressive et présente : chiens, corneille, village, dormeurs, poteau indicateur[24]…. Les tempos ralentissent, la musique se concentre encore plus dans son statisme pour converger vers l'absence quasi totale de matériaux dans le dernier lied. Paradoxalement la présence de la tonalité majeure est plus importante.
Dans le second recueil, en quelques mois, le regard et la perception du musicien se sont encore affinés et approfondis : le climat en est encore plus mystérieux et quasi religieux[24] avec ses chorals et cantiques en filigranes[24] (no 23).
La partition, après validation par la censure, est publiée en deux volumes comme opus 89 chez Tobias Haslinger, qui avait déjà publié en la Sonate pour piano no 18 en sol op. 78 / D 894. La première partie paraît du vivant du compositeur, le , et la seconde, le , un mois après la mort du compositeur, à trente-et-un ans.
Le recueil est composé pour voix de ténor, comme la plupart des autres lieder du compositeur. Au besoin, ils sont transposés. Mais la gravité de l'œuvre, ses accents sombres et sa profondeur en font l'élection des barytons, tels Hans Hotter, Dietrich Fischer-Dieskau, Thomas Quasthoff, Alain Buet[25].
1. Gute Nacht (Bonne Nuit)
– En ré mineur / Mässig, in gehender Bewegung [modéré] à
Fremd bin ich eingezogen, |
Étranger je suis venu, |
La nuit est annoncée ; on la veut bonne comme l'annonce le titre ; mais c'est dans les ténèbres qu'il faut chercher le chemin. Le recueil s'ouvre en ré mineur, tonalité funèbre pour Schubert[26]. Il s'agit d'une marche, le voyage inexorable commence, campé par l'introduction.
Le dessin mélodique à la voix commence haut perché sur le fa et descend jusqu'au ré (la tonique) plus d'une octave plus bas. Toute l'image du recueil est figurée en ces quelques notes : « une trajectoire de chute »[26]. La dernière strophe passe au majeur sur « Je ne veux pas déranger ton sommeil, ce serait dommage pour ton repos. », « comme pour faire sourire un peu cette âme dévastée[27] » du voyageur.
2. Die Wetterfahne (La Girouette)
– En la mineur / Ziemlich geschwind [assez animé] à
Der Wind spielt mit der Wetterfahne |
Le vent joue avec la girouette |
Encore symbole poétique, la girouette est l'esprit changeant de la bien-aimée, traité avec une pointe d'ironie[28], mais elle est de courte durée. La musique passe au majeur sur le dernier vers : « Leur fille est une riche fiancée. »
3. Gefrorene Tränen (Larmes gelées)
– En fa mineur / Nicht zu langsam [pas trop lentement]
Gefrorne Tropfen fallen |
Des larmes gelées tombent |
Ce lied est un quasi récitatif. Les larmes sont présentées en deux formes opposées : brûlure chaude des larmes et brûlure glacée en l'absence d'émotions.
4. Erstarrung (Engourdissement)
– En ut mineur / Ziemlich schnell [assez vite]
Ich such’ im Schnee vergebens |
En vain, je cherche dans la neige |
Chez Müller, le vers 3 original est "Und ist's mir denn entgangen". Schubert, lors de la reprise de la strophe, change "und" en "ihr" au vers 9[29]. La marche reprend, monotone et hypnotique
5. Der Lindenbaum (Le Tilleul)
– En mi majeur / Mässig à
Am Brunnen vor dem Tore |
À la fontaine, devant le porche |
À l'époque de Müller, le tilleul est un symbole d'une nature douce et bienfaisante, il est l'arbre de l’amour, le lieu de rendez-vous galant[30]. Mais il est ici à double sens : le passé ne suffit pas à diluer l'angoisse qui poursuit son mouvement de lied en lied.
Le premier lied est en majeur, mais la fin abandonne le majeur pour conclure en mineur. C'est le préféré des compagnons de Schubert qui reçut immédiatement leur approbation[31] et la plus célèbre des mélodies. Ici, le voyage est intérieur, alternant entre le souvenir et le présent. Il s'agit d'une conception au plus proche du folklore et la plus lyrique du cycle et en même temps, en considérant l'ensemble où le lyrique est absent, ce lied est donc aussi le moins typique[21]. Dans le prélude, un discret motif de cor en écho se fait entendre entre deux bruissements des feuillages[32] (mesures 7 et 8) et réapparaît plus loin sur un point d'orgue, avant le dernier couplet.
6. Wasserflut (Inondation)
– En mi mineur (original en fa mineur) / Langsam à
Manche Trän’ aus meinen Augen |
Mainte larme de mes yeux |
Selon Michel Schneider, il « est un exemple absolu de concision et de forme pure[33]. » L'accompagnement « est soutenu par une seule pulsation (triolet de croches, noire pointée) – on dirait le pas d'un homme qui se force à aller de l'avant[33]. »
7. Auf dem Flusse (Sur la rivière)
– En mi mineur / Langsam [lentement] à
Der du so lustig rauschtest, |
Toi qui bruissais si joyeux, |
La rivière est gelée.
8. Rückblick (Regard en arrière)
– En sol mineur / Nicht zu geschwind à
Es brennt mir unter beiden Sohlen, |
La plante des pieds me brûle |
9. Irrlicht (Feu follet)
– En si mineur / Langsam à
In die tiefsten Felsengründe |
Dans les profondes gorges rocheuses |
Sur ce lied se dévoile le but du voyage : le tombeau.
10. Rast (Halte)
– En ut mineur (original en ré mineur) / Mässig à
Nun merk’ ich erst wie müd’ ich bin, |
Je ne sens combien je suis fatigué |
Égaré, le poète perd la raison. « Le pays du retour n'est nulle part[34]. »
11. Frühlingstraum (Rêve de printemps)
– En la majeur / Etwas bewegt à
Ich träumte von bunten Blumen, |
Je rêvais de fleurs de toutes les couleurs |
La fin abandonne le majeur pour conclure en mineur, bien que chaque section alterne, selon l'évocation du rêve (majeur) ou de la réalité (mineur).
12. Einsamkeit (Solitude)
– En si mineur (original en ré mineur) / Langsam à
Wie eine trübe Wolke |
Comme un sombre nuage |
La tonalité originale correspond à la clôture du premier cycle, refermé sur un ré mineur, comme il avait commencé ainsi que la mesure de marche.
13. Die Post (La Poste)
– En mi bémol majeur / Etwas geschwind à
Von der Straße her ein Posthorn klingt. |
Dans la rue j'entends le cor du postillon |
14. Der greise Kopf (La Tête blanchie)
– En ut mineur / Etwas langsam à
Der Reif hatt’ einen weißen Schein |
Le givre a saupoudré d'un reflet blanc |
15. Die Krähe (La Corneille)
– En ut mineur / Etwas langsam à
Eine Krähe war mit mir |
Une corneille était avec moi |
16. Letzte Hoffnung (Dernier Espoir)
– En mi bémol majeur / Nicht zu geschwind à
Hie und da ist an den Bäumen |
Çà et là, sur les arbres |
Écarts de voix jusqu'à la treizième[15].
17. Im Dorfe (Au village)
– En ré majeur / Etwas langsam à
Es bellen die Hunde, es rasseln die Ketten; |
Les chiens aboient, leurs chaînes cliquettent ; |
18. Der stürmische Morgen (Le Matin d'orage)
– En ré mineur / Ziemlich geschwind, doch kräftig
Wie hat der Sturm zerrissen |
Comme la tempête a déchiré |
19. Täuschung (Illusion)
– En la majeur / Etwas geschwind à
Ein Licht tanzt freundlich vor mir her, |
Une lumière danse gaîment devant moi, |
20. Der Wegweiser (Le Poteau indicateur)
– En sol mineur / Mässig à
Was vermeid’ ich denn die Wege, |
Pourquoi éviter les sentiers |
21. Das Wirtshaus (L'Auberge)
– En fa majeur / Sehr langsam
Auf einen Totenacker |
Vers un cimetière |
22. Mut ! (Courage)
– En sol mineur (original en la mineur) / Ziemlich geschwind, doch kräftig à
Fliegt der Schnee mir ins Gesicht, |
Quand la neige me cingle de visage, |
Schubert a procédé à l'unique modification de l'ordre des poèmes de Müller en inversant l'ordre d'apparition de ce poème avec le suivant : « Si Schubert avait gardé Mut comme avant-dernier lied des douze selon l'ordre adopté pour finir par Müller, ce Courage aurait eu moins de force ; venant après la vision des Trois Soleils, il eut été moins logique et moins dramatiquement convaincant[37]. »
23. Die Nebensonnen (Les reflets du soleil dans les nuages – Parhélie)
– En la majeur / Nicht zu langsam à
Drei Sonnen sah ich am Himmel steh’n, |
J'ai vu trois soleils dans le ciel, |
Dans cette double page de musique à l'accent mystérieux, abondent les symboles autour du chiffre trois. Outre le texte, la musique accumule les pistes : trois dièses (la majeur), mesure à 3/4, découpe A-A'-B-A, mélodie reprise trois fois, cadence parfaite conclusive reprise trois fois. Il s'agit d'un style choral et une étape métaphysique[38] qui se conclut sur « Je me sentirai mieux dans l'obscurité ».
24. Der Leiermann (Le joueur de vielle)
– En la mineur (original en si mineur) / Etwas langsam à
Drüben hinterm Dorfe |
Là-bas, derrière le village |
Vers six : texte original de Müller : "Schwankt". Vers onze : texte original de Müller : "brummen"[39].
Tonalement, l'original en si mineur, est à rapprocher du no 9, Irrlich, ces deux lieder apparaissant comme détachés de ceux qui les entourent, comme des îlots. Selon Hans Jörg Mammel, ce choix empêche le cycle de se clore sur une impression de paix[40].
Le « roman musical s'achève sur la vision d'un misérable joueur de vielle que les chiens houspillent et à qui personne ne tend la main, image trop certaine de l'artiste qui œuvre dans les ténèbres, dans l'hostilité ou l'indifférence générale[15]. » La détresse est totale ; comme le dépouillement harmonique et mélodique, réduit à une pédale en bourdon en quinte et une unique phrase mélodique qui renforce la monotonie et la désolation. Comme si la musique elle-même avait fui, tel le cœur mort du voyageur.
« Dans le ressassement du petit motif, en ses deux métamorphoses instrumentale et vocale, un seul accent de désespoir […] sur le nimmer still/jamais en repos, et à la conclusion, aussitôt repris cette fois, corrigé, humilié, résigné par la reprise du motif : – ne craignez pas d'avoir trop accentué cette clameur d'âme[27]. »
Juste après nimmer still, mesure 49 et suivantes, le piano reprend le motif (quatre fois) :
« Bien que le drame même du Voyage d'hiver ait été l'objet de maintes interprétations, le message de Der Leiermann en est sûrement un sur l'aliénation et la démence […] L'angoisse inéluctable des 23 autres mélodies ne peut être soulagée que par l'amitié symbolique du joueur de vielle[21]. »
« Winterreise est l'un des cycles les plus bouleversants de toute l'histoire de la musique »[41]. La sobriété du discours musical, son intériorité douloureuse, son impression d'immobilité emportent l'auditeur du premier au dernier lied, qui ne conclut pas, s'arrêtant juste au bout de la solitude, « au seuil de la démence » (Alfred Einstein).
Le compositeur allemand Hans Zender a donné sa version du Winterreise, intitulée Schuberts Winterreise – eine komponierte Interpretation (1993) pour ténor et petit ensemble instrumental[42].
Le Japonais Yukikazu Suzuki a lui aussi orchestré l'œuvre à destination d'Hermann Prey pour la création qui a eu lieu en 1997 à Bad Urach[43].
Amélie Nothomb a intitulé Le Voyage d'hiver un roman de 2009 où le protagoniste pense à ce cycle de lieder pour ne pas éprouver la peur, au moment où il s'apprête à détourner un avion pour le faire percuter la tour Eiffel dans un acte terroriste.
Le Voyage d'hiver a été gravé quelque deux cents fois. Le champion en est le baryton Dietrich Fischer-Dieskau qui l'a enregistré (en concert ou au studio) une douzaine de fois entre 1948 et 1990. Viennent ensuite, Hermann Prey (six fois), Hans Hotter et Gérard Souzay (cinq fois), Peter Schreier (quatre) et Ernst Haefliger (trois)[48].
Bien qu'écrit à l'origine pour ténor, et non pour baryton, le Winterreise a aussi été interprété par des voix de femmes à commencer par Elena Gerhardt dès 1928 pour HMV, et Lotte Lehmann en 1940 ; de nos jours, l'œuvre l'a été par les mezzos Christa Ludwig, Brigitte Fassbaender, la contralto Nathalie Stutzmann et les sopranos Margaret Price et Christine Schäfer.
Un large aperçu discographique, commenté brièvement, est donné par François Lafon, dans un numéro du Monde de la musique[49].
Tessiture | Chanteur | Pianiste | Date | Label | note |
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baryton | Hans Duhan | Ferdinand Foll / Lene Orthmann[50] | 1928 | Gramophone | |
baryton | Gerhard Hüsch | Hanns Udo Müller | 1933 | EMI Classics | « Hüsch donne de ces Lieder une interprétation très fidèle au texte, même si le style est un peu pompeux. Son accompagnateur est un peu inexpressif […][51] » |
baryton-basse | Hans Hotter | Michael Raucheisen | 1942[52] | Deutsche Grammophon / Music & Arts | |
baryton-basse | Hans Hotter | Michael Raucheisen | 1943 | Preiser Records | Enregistrement différent du précédent, réalisé les 24 et à la Maison de la Radio (Haus des Rundfunks) de Berlin. « Proche de l'édition de studio (DG), cette version radio est plus sauvage, plus brusque dans ses contrastes, souvent soulignés par ce qui est une simple saute dans la prise de son ; moins lisse, moins anonyme, sans cette réalisation quasi hypnotique du Voyageur/Voyant, que seul Hotter a donné avec cette intensité calme. Et cette seule fois ; mais en réciproque plus personnel, moins délibérément anonyme et effacée ; plus imparfait – et en un sens plus présent […] ; ils se complètent de façon bouleversante. » – André Tubeuf[53]. |
ténor | Peter Anders | Michael Raucheisen | 1945 | Deutsche Grammophon / Myto | |
ténor | Peter Anders | Günther Weissenborn | 1948 | Gebhardt | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Klaus Billing | 1948 (concert) | Archipel | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Hertha Klust | 1953 (concert) | Classica d'Oro | |
baryton-basse | Hans Hotter | Gerald Moore | 24–27/29 mai 1954 | EMI Classics | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Gerald Moore | 1955 | EMI Classics | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Gerald Moore | 1955 (récital à Prades) | INA « Mémoire Vive »[54] | |
basse | Josef Greindl | Hertha Klust | 1957 | Deutsche Grammophon[55] | « Son Winterreise historique, sans doute référence absolue, doit justement une partie de son impact à une noirceur du timbre et a cette sereine puissance du souffle qui laisse entrevoir les abîmes. » Laurent Barthel[56] |
baryton | Hermann Prey | Karl Engel | 1961 | EMI Classics 5 73528 2[57] | |
baryton-basse | Hans Hotter | Erik Werba | 15–18 décembre 1961 | Deutsche Grammophon | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Gerald Moore | 16–17 novembre 1962 | EMI Classics[58] | |
ténor | Peter Pears | Benjamin Britten | 1965 | Decca 417 472-2 | « Pears donne une saisissante impression de rêve éveillé. Il va sans dire que chanteur et pianiste sont en totale osmose[59]. » |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Jörg Demus | mai 1965 | Deutsche Grammophon 447 421-2[60],[61] | « […] il s'agit en fait de l'une des meilleures. Demus s’acquitte de sa tâche d'accompagnateur avec un toucher un peu plus fruste, plus terrien, que celui de ses rivaux, ce qui n'exclut nullement une constante musicalité. Au contraire on peut penser que ce piano très franc, direct sans aucune brutalité, équilibre à merveille le penchant du chanteur pour la préméditation soigneusement calibrée. […] Si l'on ajoute que la voix était à son apogée et que la version Moore (1972) ne nous la fera plus entendre avec un timbre aussi beau, on comprendra qu'il s'agit-là d'un maillon discographique majeur. » Laurent Barthel[62]. |
baryton | Hermann Prey | Wolfgang Sawallisch | 1971 | Philips | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Gerald Moore | août 1971 | Deutsche Grammophon[63] | |
baryton | Gérard Souzay | Dalton Baldwin | 1976 | Testament | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Maurizio Pollini | 23 août 1978 | Orfeo C884131B | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Daniel Barenboim | 1979 | Deutsche Grammophon | |
ténor | Ernst Haefliger | Jörg Ewald Dähler (piano-forte Joseph Brodmann c. 1820, Vienne) | septembre 1980 | Claves CD 50-8008[64] | |
basse | Kurt Moll | Cord Garben | 18–19 mai/21–25 juin 1982 | Orfeo[65] | |
ténor | Jon Vickers | Geoffrey Parsons | juillet 1983 | EMI Classics[66] | |
ténor | Peter Schreier | Sviatoslav Richter | 1985 | Philips 416 289-2[67] | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Alfred Brendel | 1985 | Philips | |
mezzo-soprano | Christa Ludwig | James Levine | décembre 1986 | Deutsche Grammophon 423 366-2[68] | |
baryton | Jorma Hynninen | Ralf Gothóni | septembre 1988 | Ondine ODE7252[69] | |
mezzo-soprano | Brigitte Fassbaender | Aribert Reimann | octobre 1988 | EMI Classics[70] | |
baryton | Olaf Bär | Geoffrey Parsons | décembre 1988 | EMI Classics[71] | « Son Voyage d'hiver est d'une grande tenue en dépit un certain maniérisme[59]. » |
baryton | José van Dam | Dalton Baldwin | janvier 1990 | Forlane[72] | |
baryton | Dietrich Fischer-Dieskau | Murray Perahia | 15–18 juillet 1990 | Sony et en DVD[73] | |
baryton | Thomas Allen | Roger Vignoles | 1990 | Virgin Classics VC 7 91430-2[74] | |
ténor | Peter Schreier | András Schiff | 1991 | Decca | |
baryton | Wolfgang Holzmair | Imogen Cooper | novembre 1994 | Philips Classics 446 407-2[75],[76] | « Les premiers Lieder du cycle impressionnent favorablement : la voix est ronde, agréablement timbrée, imposant dès le départ une indéniable présence. Mais ensuite, la progressive désagrégation psychique du voyageur n'est que timidement rendue. On assiste certes à la fragilisation d'une personnalité, mais sans plus : délire, désespoir et angoisse apparaissent trop pauvrement caractérisés. Der Leiermann, point de désespérance ultime, moment d'installation dans une folie consolatrice, est ici chanté comme une comptine populaire. » Laurent Barthel[77]. |
baryton | Matthias Goerne | Graham Johnson | 4–7 août 1996 | Hyperion CDJ 33030[78],[79] | « On a connu peu de Winterreise aussi intensément vécues, dont la sincérité fait fluctuer l'humeur et peut-être même pleurer sur une simple nuance. » (Répertoire). |
ténor | Christoph Prégardien | Andreas Staier (piano-forte Johann Fritz 1825) | mars 1996 | Teldec 0630-18824-2[80],[81] | « Certains lieder heureusement sont franchement réussis : Auf dem Flüsse, Rückblick, très habillement phrasé, Der Leiermann, qui débouche sur une vertigineuse sensation de vide… moments passionnants mais pas assez nombreux pour rendre positif le bilan final. » Laurent Barthel[82]. |
baryton | Thomas Hampson | Wolfgang Sawallisch | 1997 | EMI Classics CDC 5 56445-2[83],[84] | « Hampson entreprend un « tout-dramatique » schubertien, aventure foudroyante, à vif, ultra-démonstrative, qui réussit grâce à la parfaite maîtrise de moyens voyaux puissant et racés. […] ravira les mélomanes persuadés que le propos de Schubert est avant tout ici celui des forces brutes de la Nature en l'homme, autour de sa conscience réduite à l'errance sans fin […] Le maître [Sawallisch] est un superbe chef d'opéra, et cela s'entend clairement au piano : son travail traite la partition comme l'accompagnement lyrique par l'orchestre. Pas de fusion, de poursuite du soliste, mais un propos indépendant, complémentaire. » Laurent Campellone[85] |
baryton-basse | Thomas Quasthoff | Charles Spencer | 1998 | RCA | |
baryton | Christian Gerhaher | Gerold Huber | 2001 | Arte Nova | |
baryton | Matthias Goerne[86] | Alfred Brendel | concert, 8–10 octobre 2003 | Decca 467 092-2[87] | « Il nous donne, enregistré en public à Londres, la grande version moderne du cycle[59]. » |
baryton | Roman Trekel | Ulrich Eisenlohr | 2004 | Naxos | |
contralto | Nathalie Stutzmann | Inger Södergren | 2004 | Calliope | |
ténor | Ian Bostridge | Leif Ove Andsnes | mai 2004 | EMI Classics[88] | |
ténor | Hans Jörg Mammel | Arthur Schoonderwoerd (piano-forte) | 2005 | Alpha[89] | |
soprano | Christine Schäfer | Eric Schneider | 2006 | Onyx | |
ténor | Mark Padmore | Paul Lewis | novembre/décembre 2008 | Harmonia Mundi[90] | |
baryton | Peter Harvey | Gary Cooper (piano-forte, copie de David Winston d'un Broadwood 1823) | 16-18 février 2009 | SACD Linn Records | |
ténor | Werner Güra | Christoph Berner (piano-forte) | 2010 | Harmonia Mundi | |
baryton | Matthias Goerne | Christoph Eschenbach | janvier/mai 2011 | Harmonia Mundi HMC 902107[91],[92],[93] | |
baryton | Wolfgang Holzmair | Andreas Haefliger | 2013 | Capriccio | |
baryton | Gerald Finley | Julius Drake | 2013 | Hyperion | |
ténor | Christoph Prégardien | Michael Gees | 2013 | SACD Challenge Classics CC72596 | |
ténor | Jonas Kaufmann | Helmut Deutsch | 2014 | Sony | Gramophone Classical Music Awards, catégorie « vocal », 2014. |
baryton | Max van Egmond | Penelope Crawford (piano-forte Conrad Graf) | 2014 | Musica Omnia MO0108 | |
ténor | Jan Kobow | Christoph Hammer (piano-forte Joseph Brodmann vers 1810) | 2014 | Atma classique 22536 | |
ténor | Mark Padmore | Kristian Bezuidenhout (piano-forte Graf) | 24-26 avril 2017 | Harmonia Mundi 902264 | |
baryton | Peter Mattei | Lars David Nilsson | 2019 | BIS SACD |