Rôle de l'Église catholique dans l'œcuménisme

C'est avec le pape Jean XXIII (en 1958) et le concile Vatican II (1962-1965) que l'Église catholique s'est officiellement engagée dans l'œcuménisme et la recherche de l'unité des chrétiens. Le texte le plus important à cet égard est le décret Unitatis Redintegratio (Restaurer l'unité) du concile Vatican II ().

L'engagement œcuménique de l'Église catholique a été confirmé avec force par l'encyclique Ut Unum Sint du pape Jean-Paul II, en 1995.

Le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens est au service de cet engagement. Il fut créé à Rome par le pape Jean XXIII en 1960, sous le nom de Secrétariat du Conseil de l'Unité chrétienne. Il est présidé aujourd'hui par le cardinal allemand Walter Kasper[1].

Des tentatives d'union globale avec l'orthodoxie

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Le détournement de la IVe croisade à l'instigation des Vénitiens, le sac de Constantinople et la création de l'empire latin d'Orient entraîneront une méfiance durable entre les deux sphères de la chrétienté.

Pourtant, dès la reconquête de Constantinople, Michel VIII Paléologue tente de protéger son royaume contre les entreprises de Charles d’Anjou, roi de Sicile. Il essaie de rétablir de bons rapports avec la papauté en acceptant une union des deux églises. Porteurs d’une lettre du basileus, les Grecs lurent au concile de Lyon le symbole de Nicée, avec l’addition occidentale controversée du Filioque, chanté trois fois. Le concile était apparemment un succès, mais n’a pas fourni une solution durable au schisme. Au retour, les théologiens byzantins refusent tant le Filioque que la primauté pontificale.

Lors le concile de Pise de 1409, alors même que le Grand Schisme d'Occident n’est pas encore résolu, des théologiens se demandent à nouveau comment dissoudre la séparation entre christianisme d’Orient et d’Occident.

Au concile de Florence de 1439, les Grecs, soumis à une forte poussée turque qui menace d'emporter Constantinople, demandent assistance à l’Occident. Ils acceptent la doctrine romaine du Filioque ainsi que la primauté du pape. Leurs motivations ne sont pas uniquement politiques : nombre de théologiens byzantins, c’est-à-dire de l’orthodoxie des 7 conciles, se montrent soucieux de restaurer l’unité avec l’Église latine. Un décret d’union est signé le . Une fois rentrés à Constantinople, ni l’empereur, ni le patriarche non plus que les autres membres de la délégation ne parviennent à faire accepter les concessions issues de l’Union au peuple comme au clergé byzantins. Les Églises orthodoxes non byzantines refusent cet accord. De leur côté, les Occidentaux ne portent pas de secours efficace à Constantinople qui tombe aux mains des Turcs en 1453.

Le concile de Florence adopte différents décrets avec plusieurs églises orientales :

  • , bulle Laetentur caeli consacrant l’union avec l’Église grecque de Constantinople
  • , décret Exsultate Deo qui ne s'applique qu'aux Arméniens soumis au Catholicos de Sis en Cilicie. Le décret pro Armenis, fait partie d’une série d’actes similaires promulgués, par Eugène IV
  • Après la translation du concile au Latran, Multa et admirabilia les Syriens monophysites de Mésopotamie signent leur adhésion
  • , Cantate Domino ce sont les jacobites monophysites d’Alexandrie et de Jérusalem
  • , Benedictus s'applique aux les Chaldéens et aux Maronites.

Multa et admirabilia et Benedictus sont beaucoup plus courts. Leur partie doctrinale renouvelle les enseignements déjà donnés dans les autres : double nature, trinité, filioque, primauté pontificale.

Sans aucune base populaire en Orient, ces réunions ne purent durer. Chacune de ces unions donna lieu à un schisme minoritaire dans chacune des églises réunissant ceux qui n'acceptaient pas d'abandonner le monophysisme, le monothélisme ou le miaphysisme. Quelques-uns de ces sous ensembles se trouvèrent dans une situation critique.

Reprises de contact avec des communautés séparées de façon très ancienne

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Les Croisades sont une période d’activité intense de l’Église catholique romaine en Orient, notamment avec la création du patriarcat latin de Jérusalem en 1099. Elles verront aussi l'église maronite entrer en communion avec le siège romain. À la fin de la période des Croisades, en 1245, des missionnaires dominicains et franciscains sont envoyés en mission de conversion vers l'Église jacobite et l’Église melkite des 3 conciles. Un projet d’union sera présenté au concile de Lyon.

Le traité de Tordesillas de 1494 partage le monde à conquérir entre l'Espagne reconquise et le Portugal[2]. Le Portugal se lance à la conquête de l'Extrême-Orient et découvre, en Inde, les chrétiens nestoriens qui doivent choisir entre le glaive et la conversion[3] ; l'évangélisation justifie la colonisation.

Les chrétiens de Mar Thoma sont un exemple des malheurs du colonisé puisqu'il connaîtront successivement les missionnaires portugais massacreurs[4], la conquête britannique en 1795, les jésuites, les luthériens suédois[5], la mission anglicane de 1816 qui se préoccupa de restaurer l'ancienne théologie syriaque[6]

En 1499 le synode de Diamper crée l'église catholique syro-malabare[7]. Les chrétiens de Mar Thomas abandonnent leur théologie non chalcédonienne. Bien évidemment, une partie des fidèles et du clergé refusent cette union. En 1930, union à Rome d'une partie de l'église syro-malankare à l'occasion d'un schisme local Le petit reste est laissée à l'abandon dans une situation difficile entre les musulmans et les hindouistes[8].

Du XVIe au XVIIIe siècle en Europe occidentale

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La Réforme et la Contre-Réforme

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Les XVIe et XVIIe siècles furent une époque peu propice aux rapprochements. Les premiers protestants (Luther, Melanchthon, Bucer) tentèrent toutefois par la Concorde de Wittemberg (1536) de gommer les différences doctrinales entre églises évangéliques, mais ils ne purent concilier leur point de vue avec celui des anabaptistes sur l'eucharistie, et la question lancinante de la transsubstantiation dans l'eucharistie devait à terme entraîner la dissidence calviniste. La Réforme protestante et son cortège de guerres de Religion maintinrent l'Occident dans ses frontières. Ces guerres instaurent, toutefois, par exemple à la Paix d'Augsbourg de 1555, un nouveau mode de compréhension du Territoire canonique résumée dans le précepte latin Cujus regio, ejus religio et doit se comprendre par « liberté de religion pour le prince qui peut l'imposer à ses sujets ». Ce principe présidera à l'uniatisme développé tout au long du siècle en Europe orientale, comme aux diverses vagues de la colonisation[9].

Le XVIIe siècle voit naître cependant plusieurs projets de réconciliation dont la correspondance entretenue pendant 11 ans entre l’évêque de Meaux, Bossuet (1627-1704), et le philosophe Leibniz (1646-1716), de confession luthérienne, est un exemple. Elle a été publiée en 1966. Il s'agit d'une discussion de bon ton dans laquelle ni l'un ni l'autre ne sont mandatés pour la moindre diplomatie[10].

La reconquête de l’Europe orientale

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Le partage de l'Ukraine et la création du royaume polono-lituanien de 1569 conduisent tout naturellement à l’accord de Brest-Litovsk (1595). Une partie de la hiérarchie de l'Église orthodoxe ukrainienne devient l'Église ruthène, Église catholique orientale unie à Rome[11]. Cela ne se passe pas simplement : persécutions et autodafé de la part des missionnaires latins[12], résistance de la part des moines orthodoxe et de l'aristocratie ukrainienne, qui seront le ferment du nationalisme.

Lors d'un partage de la Pologne en 1839, le tsar prononcera la dissolution de union de Brest-Litovsk. Le redécoupage des frontières et la création de l'Ukraine et de la Biélo-Russie (aujourd'hui Biélorussie, c'est-à-dire Russie Blanche). L'Église uniate crée en 1595 est dissoute et réunie à l'Église orthodoxe russe non sans fracas et résistance.

L’expansion orientale

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Au milieu du XVIIe siècle, vers 1656 les missionnaires Capucins et Jésuites réussirent à ramener à Rome la majorité des Jacobites d’Alep (église des 3 conciles).

L’Église melkite (orthodoxe d’Antioche) entra dans la communion romaine sous son patriarche Cyrille IV (mort en 1760).

XVIIe et XVIIIe siècles en Europe occidentale

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Les XVIIe et XVIIIe siècles furent une époque peu propice aux rapprochements. Elle vit naître cependant plusieurs projets de réconciliation dont la correspondance entretenue pendant plusieurs années entre l’évêque de Meaux, Bossuet (1627-1704), et le philosophe Leibniz (1646-1716), de confession luthérienne, est un exemple.

Les relations avec les Églises d'Orient, les tentatives d’union et l’« uniatisme »

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Deux conciles généraux de l’Église catholique romaine, le deuxième concile de Lyon (1274), tenu en présence du basileus Michel VIII Paléologue, et celui de Florence (1439-1443) adoptèrent chacun un acte d’union avec les Grecs (et à Florence, avec plusieurs autres Églises orientales). Décidées par les autorités, mais sans profonde base populaire en Orient, ces réunions ne purent durer dans leur ensemble, d'autant plus que la chute de Constantinople en 1453 réduisit considérablement la possibilité de liens religieux avec l'Occident.

Au cours de l’histoire, certaines Églises ou portions d’Églises d’Orient se sont unis à l’Église catholique romaine, pour des raisons diverses et dans des conditions historiques souvent complexes et donnant lieu à polémiques. Le terme « uniate » a longtemps servi à désigner ces Églises catholiques d’Orient, mais a souvent aujourd’hui une connotation très péjorative[13].

Ce qui est souvent qualifié d'« uniatisme » reste une plaie dans les relations entre le christianisme orthodoxe et le Vatican. L'existence de l'Église gréco-catholique de Biélo-Russie fut notamment l’un des principaux obstacles à la venue de Jean-Paul II, le pape voyageur, en Russie[14].

« Le phénomène gréco-catholique est depuis toujours perçu par les orthodoxes comme une agression et le déni de leur ecclésialité, comme s'ils n'étaient pas reconnus par l'Église latine en tant que pleinement chrétiens » (Olivier Clément)[15]. L'uniatisme est donc l'une de ces manifestations que les orthodoxes comprennent comme une prédation de l’Église latine.

L’union de certaines Églises orientales avec Rome suivit le développement des croisades, comme en 1181 pour l’Église maronite du Liban.

À partir du XVe siècle, ce processus suivit le développement des missions et de la colonisation. Les unions se multiplièrent entre Rome et des Églises minoritaires ; si leurs rites orientaux restèrent largement inchangés[16], leurs théologies particulières seront souvent latinisés. Ces tentatives d’union ont souvent provoqué un schisme entre la partie qui s’unit à Rome et la partie réfractaire à l'union, qui demeure une Église orthodoxe ou une Église non chalcédonienne.

  • À l’accord de Brest-Litovsk (1595), où une partie de l'Église ruthène s'unit à Rome[17].
  • L’Église melkite (orthodoxe d’Antioche) entra dans la communion romaine sous son patriarche Cyrille IV (mort en 1760).

Ce processus suivit les difficultés politiques que vivent les minorités chrétiennes, notamment en milieu majoritairement musulman.

Au XIXe siècle, les plus récentes réunions de ce type eurent lieu en

  • 1839 (Biélo-Russie)
  • 1930 Église syro-malankar en Inde du sud, d’origine non chalcédonienne. L'autre partie, laissée à l'abandon dans une situation difficile entre les musulmans et les hindouistes, est connue comme "Église de Mar Thomas". Elle a choisi de s'unir à la Communion anglicane (qui n'a demandé aucune allégeance doctrinale et s'occupe aussi bien spirituellement que matériellement de restaurer la théologie et les traditions liturgiques de cette petite Église). Ces Églises se disent parmi les plus anciennes si l'on en croit la tradition qui leur donne l’apôtre Thomas comme évangélisateur. La difficulté de leur situation s'accentuant, une grande partie des fidèles a trouvé refuge aux États-Unis.

L’« unionisme » catholique au XIXe siècle

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Les papes n’avaient jamais perdu l’espoir de refaire l’unité de la chrétienté, dont ils estimaient avoir la charge. Le XIXe siècle, en particulier, fut la grande époque de l’intransigeantisme qui enjoignait les confessions séparées au retour à l’unité romaine. D'un autre côté, Pie IX invita les évêques grecs et autres orientaux, à participer au Ier concile du Vatican (1869-1870), celui où sera proclamée l'infaillibilité pontificale[18], et il récolte, de façon assez cohérente avec la collégialité orthodoxe, une fin de non-recevoir.

Le pape Léon XIII, surtout, fut le chantre de l’unionisme. Il encouragea la prière pour l’unité des chrétiens, sous forme de neuvaine préparatoire à la Pentecôte. Dans l’encyclique Satis cognitum (1896), sorte de charte de l’unionisme, et dans 35 autres documents consacrés à la cause de l’unité chrétienne, il invitait les catholiques à la plus grande charité envers tous les chrétiens, et plus largement envers tous les hommes de bonne volonté.

L’encyclique Mortalium animos de Pie XI

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Le magistère romain a souvent manifesté une grande réticence à l’égard des premières assemblées œcuméniques, soupçonnées de « panchristianisme ». Dans l'encyclique Mortalium Animos (1928), Pie XI interdisait absolument aux catholiques d’y participer. « On comprend donc, Vénérables Frères [disait-il en s’adressant aux évêques], pourquoi ce Siège Apostolique n’a jamais autorisé ses fidèles à prendre part aux congrès des non-catholiques : il n’est pas permis, en effet, de procurer la réunion des chrétiens autrement qu’en poussant au retour des dissidents à la seule véritable Église du Christ puisqu’ils ont eu jadis le malheur de s’en séparer[19]. » Cette encyclique, qui répondait ainsi à l'invitation faite pour les travaux de la commission œcuménique Foi et Constitution[20], revenait à dire qu’il ne pouvait y avoir de véritable œcuménisme que par la réintégration des Églises issues de la Réforme dans le sein de l'unique véritable Église.

Ainsi l'Église catholique romaine n'a envisagé l'œcuménisme qu'à partir de 1928, et sans s'intégrer dans le mouvement en cours dans les milieux protestants, préférant développer sa spécificité.

La préparation de Vatican II

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Cependant, même du côté catholique, les efforts en vue de l’unité chrétienne ne cessèrent jamais complètement. On peut citer les « conversations de Malines », à l’initiative du cardinal Mercier, archevêque de Malines-Bruxelles, de Lord Halifax (anglican) et du père Fernand Portal (lazariste), de décembre 1921 à avril 1925, entre des théologiens anglicans et catholiques romains.

En 1935, c'est le début à Lyon de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, à l’initiative de l'abbé Paul Couturier. Ce sont en 1937 les premiers jours du groupe des Dombes (voir plus bas).

Ce sont encore les travaux pionniers de certains théologiens catholiques : les Français Henri de Lubac et Yves Congar[21], l’Allemand Karl Adam entre autres.

L’instruction du Saint-Office Ecclesia catholica, parue le , jugeait que le désir de l’unité relevait d’une « inspiration de la grâce du Saint-Esprit ». Elle affirmait le devoir des évêques de s’en préoccuper, et prévoyait une participation catholique aux conférences œcuméniques sous la responsabilité de l’ordinaire du lieu.

Le Concile Vatican II et ses suites

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Un élan nouveau

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Il fallut attendre l’avènement du pape Jean XXIII (en 1958) et l’annonce du concile Vatican II (1962-1965) pour voir l’Église catholique s’engager pleinement dans l’aventure du mouvement œcuménique. Des observateurs non catholiques furent invités au concile. Un Secrétariat pour l’unité des chrétiens était créé, qui deviendra Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens sous Jean-Paul II. Le concile promulgua des documents majeurs pour l’œcuménisme : Unitatis Redintegratio (décret sur l’œcuménisme) ; Nostra Ætate (sur les religions non chrétiennes) ; Dignitatis humanae (sur la liberté religieuse). Mais c'est l’ensemble de ses travaux qui revêtait une finalité nettement œcuménique : réforme liturgique, définition de l’Église comme peuple de Dieu et comme koinonia, communion.

Les successeurs de Jean XXIII, soit à Rome, soit au cours de leurs nombreux voyages à travers le monde, ont multiplié les contacts avec les dirigeants des autres Églises. Les conférences épiscopales sont membres des Conseils d’Églises, qui se sont formés dans la plupart des pays. Les fidèles catholiques eux-mêmes participent pleinement aux travaux, ainsi qu’aux prières, des congrès interconfessionnels et des rencontres œcuméniques.

Les catholiques intégristes

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Certains catholiques contesteront le concile Vatican II, soit pour des raisons doctrinales (reconnaissance de la liberté religieuse par le Concile, œcuménisme), soit en raison de leur attachement à la célébration en latin et selon le missel romain de saint Pie V. Une de leurs têtes de file, Mgr Marcel Lefebvre, fondateur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X rompra avec Rome en 1988 en ordonnant des évêques malgré l’interdiction qui lui était faite (il sera par là-même excommunié latae sententiae).

Les papes Jean-Paul II et Benoît XVI ont cherché, en donnant diverses autorisations, notamment en matière de liturgie, à rétablir l’unité avec certains fidèles et prêtres traditionalistes.

Les divers dialogues œcuméniques auxquels participent les catholiques

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Le pape François à la fête patronale avec le patriarche œcuménique Bartholomée Ier de Constantinople.

Depuis 1937, il existe un dialogue non officiel entre des théologiens catholiques et protestants francophones, fondé par Paul Couturier (1881-1953) et quelques pasteurs réformés suisses. En 1942, ce groupe prit le nom de groupe des Dombes. Il a publié, depuis, un certain nombre de rapports de haute valeur comme « Un seul maître » - L'autorité doctrinale dans l'Église en 2006[22]. La méthode est le « consensus différencié » où chacun expose sa foi dans un souci de spécificité pour « entrer dans le point de vue de son frère, pour le mieux comprendre dans sa cohérence et pour s'en enrichir »[23].

En 1964, c'est la fameuse rencontre à Jérusalem entre le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras de Constantinople[24], et le la levée des excommunications réciproques du XIe siècle, comme « geste de justice et de pardon réciproque[25] ».

En 1966, c'est la rencontre entre l’archevêque de Canterbury Michael Ramsey et le pape Paul VI, et la création de la Commission internationale anglicane-catholique romaine (ARCIC). Ces dialogues entre l’anglicanisme et l’Église catholique romaine ont produit des accords doctrinaux assez remarquables. À savoir ARCIC-I : « La doctrine eucharistique » en 1971, « Ministère et ordination » en 1973, « L’autorité dans l’Église I » en 1976, « L’autorité dans l’Église II » en 1981. Puis ARCIC-II : « Le Salut et l’Église » en 1986, « L’Église comme communion » en 1990, « La vie en Christ : morale, communion, Église » en 1993, « Le don de l’autorité. L’autorité dans l’Église III » en 1999 et enfin « Marie : Grâce et espérance dans le Christ » en 2005[26].

Dès 1964, se met en place un processus de constitution d'un « Groupe mixte de travail » entre le l'Église catholique romaine et Conseil œcuménique des Églises (dont l'Église catholique ne fait pas partie). Ce groupe a, entre autres, publié en 2005 une étude sur la nature et objet du dialogue œcuménique[27]. Depuis 1968, l'Église catholique romaine est membre à part entière de la Commission de Foi et constitution.

En 1969, Paul VI va rencontrer le Conseil œcuménique des Églises.

En 1982, c'est à l'initiative de la commission Foi et constitution du Conseil œcuménique des Églises, l'important document « Baptême, Eucharistie, Ministère » (dit de Lima), auquel des théologiens catholiques ont participé et qui a eu de larges échos au sein des diverses Églises. « Ce célèbre texte, adopté par la Commission plénière Foi et constitution lors de sa réunion de Lima (Pérou) en 1982, fait le point sur l'accord toujours plus grand – et les différences qui subsistent – dans des domaines fondamentaux de la foi et de la vie des Églises. Document le plus largement diffusé et étudié de Foi et constitution, le BEM a servi de base à de nombreux accords de « reconnaissance mutuelle » entre Églises, et il demeure une référence aujourd'hui encore[28]. »

En 1999, l’Église catholique et la Fédération luthérienne mondiale ont signé à Augsbourg la « Déclaration commune sur la Doctrine de la justification[29] », fruit de plus de trente années de dialogue et qui met pratiquement fin à une controverse qui durait depuis la Réforme. En 2013 est publié par la Commission luthérienne-catholique pour l'unité, le document « Du conflit à la communion : commémoration commune luthérienne-catholique en 2017 », dans le cadre de la célébration du 500e anniversaire de la Réforme, et du 50e anniversaire du dialogue entre luthériens et Catholiques (2017).

Il existe de même des dialogues bilatéraux entre l'Église catholique et d'autres Églises protestantes, notamment avec le Conseil Méthodiste Mondial, l'Alliance Reformée Mondiale et l'Alliance Baptiste Mondiale[30].

Il importe aussi de signaler un nombre important d’accords doctrinaux entre l’Église catholique et les vieilles Églises non chalcédoniennes d’Orient.

Les difficultés persistantes

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Le dialogue entre l'Église orthodoxe et l'Église catholique est actuellement dans une impasse en ce qui concerne « l'uniatisme ». La session de Balamand en 1993 s'est conclue sur un désaccord[31]. La Commission ne s'est réunie que quelques années plus tard, à Baltimore en 2000[32], mais les difficultés perdurent[33]. En 2004, c'est la déclaration commune du pape Jean-Paul II et du patriarche œcuménique Bartholomée Ier de Constantinople, où ils indiquent que, malgré certains problèmes et malentendus récents, « la longue pratique du "dialogue de la charité" nous aide précisément en ces circonstances, afin que les difficultés puissent être affrontées avec sérénité et ne ralentissent ni obscurcissent le chemin entrepris vers la pleine communion dans le Christ[34]. »

La question du Filioque continue de diviser Églises catholique et orthodoxe. Est en cause l'introduction du Filioque dans le credo occidental (L’Esprit qui procède du Père et du Fils), qui fut proposée sous le règne de Charlemagne, et faite de manière unilatérale dans le Credo romain au XIe siècle. Très mal perçue par les Églises d’Orient, c’est un lieu de discorde depuis lors. On peut penser que ce débat serait facilement résolu aujourd'hui si le climat entre les deux Églises n'était pas si tendu (voir l'article sur le Filioque).

En 2000, la déclaration Dominus Jesus[35], de la congrégation pour la doctrine de la foi, insiste fortement sur l'unicité et l'universalité salvifique de Jésus-Christ et de son Église. Elle fut écrite à l’initiative du cardinal Joseph Ratzinger et du secrétaire de la congrégation pour la doctrine de la foi Tarcisio Bertone. Elle fut très mal reçue dans les milieux œcuméniques, notamment du fait que les communautés ecclésiales issues de la Réforme n’étaient pas considérées comme des Églises au sens propre du terme, et à cause d’une interprétation assez restrictive des textes du concile concernant l’œcuménisme[36].

La question de l'hospitalité eucharistique fait souvent également débat. Les Églises protestantes admettent généralement facilement les autres chrétiens à la communion, tandis que les Églises catholique et orthodoxe sont très restrictives, une même communion dans les sacrements supposant selon leur doctrine une même communion dans la foi[37]. La période actuelle, où les principes sont réaffirmés avec fermeté, déçoit les milieux œcuméniques protestants, qui attendaient plus d'ouverture dans la suite du concile Vatican II[38].

En , quelques mois après sa nomination à la tête de Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, l'évêque Kurt Koch a dressé une sorte de bilan des divergences de vue persistantes avec le protestantisme. Il leur reproche d'avoir abandonné l'objectif originel du mouvement œcuménique, c'est-à-dire la recherche d'une unité visible permettant une véritable communion. Selon lui, les courants issus de la Réforme, mais aussi certains Catholiques, cherchent à promouvoir une vision ecclésiologique marquée par le relativisme, et se bornant à la recherche de liens d'intercommunion entre églises séparées. À cette occasion, le prélat réaffirme également la conviction catholique que l'Église de Jésus-Christ est déjà une réalité existante, qu'elle "subsiste" dans l'Église catholique[39].

Dans son encyclique Ut unum sint, le pape Jean-Paul II affirme l'engagement œcuménique irréversible de l'Église catholique : « Au Concile Vatican II, l'Église catholique s'est engagée de manière irréversible à prendre la voie de la recherche œcuménique, se mettant ainsi à l'écoute de l'Esprit du Seigneur qui apprend à lire attentivement les « signes des temps ». Les expériences qu'elle a vécues au cours de ces années et qu'elle continue à vivre l'éclairent plus profondément encore sur son identité et sur sa mission dans l'histoire. L'Église catholique reconnaît et confesse les faiblesses de ses fils, consciente que leurs péchés constituent autant de trahisons et d'obstacles à la réalisation du dessein du Sauveur[40]. »

Cependant, selon certains observateurs, la période actuelle marque des formes d'essoufflement de l'élan œcuménique, et certains sont déçus de la lenteur des progrès dans la voie de l'unité des chrétiens. Il est bien sûr trop tôt pour tenter de faire une histoire complète de l'œcuménisme et seul l'avenir permettra de connaître et d'analyser les succès et les limites de la période présente.

La vision du dialogue œcuménique dans l'Église catholique

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Une difficulté particulière du dialogue œcuménique avec l'Église catholique est que cette dernière soutient plusieurs points doctrinaux qui lui font envisager un tel dialogue de façon dissymétrique. Le cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, affirme ainsi que « L'objectif de l'œcuménisme est l'union avec l'Église catholique ». De même, s'il reconnaît que par un tel dialogue, l'Église catholique se trouve enrichie, il rappelle que selon la doctrine catholique, l'Église dispose déjà de la plénitude des moyens du salut : « Quand je parle d'enrichissement, je ne me réfère pas à des ajouts d'éléments essentiels de sanctification et de vérité à l'Église catholique. Le Christ lui a donné tous les éléments fondamentaux. Je me réfère à un surplus de moyens d'expression de ces éléments essentiels, des moyens qui font que chacun n'en apprécie que plus les trésors inépuisables que l'Église a reçus de son divin fondateur[41] ».

Notes et références

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  1. On peut lire, sur le sujet de l'article présent, la conférence du cardinal Kasper L'engagement œcuménique de l'Eglise catholique, prononcée à l'occasion de l'Assemblée générale de la Fédération protestante de France des 23-24 mars 2002 à Paris.
  2. Le Dessous des cartes
  3. Pascale CHAPUT, La double identité des chrétiens keralais : Confessions et castes chrétiennes au KERALA (Inde du Sud) « Copie archivée » (version du sur Internet Archive), Archives de Sciences sociales des religions 106, avril-juin 1999
  4. Pascale CHAPUT, op. cit.
  5. Marine CARRIN, Harald TAMBS-LYCHE Une Église nationale pour les Santals : du romantisme scandinave à l'orthodoxie luthérienne, Archives des sciences sociales des religions, année 1998, volume 103, numéro 103, pp. 99-127
  6. Mar thoma Church in India
  7. Sanjay SUBRAHMANYAM Dom Frei Aleixo de Meneses (1559-1617) et l'échec des tentatives d'indigénisation du christianisme en Inde, Archives des sciences sociales des religions, Année 1998, Volume 103, Numéro 103, pp. 21-42
  8. Félix WILFRED, Le Christianisme à l'épreuve du polythéisme structurel de l'Hindouisme : la réponse des convertis dans le Tamil Nadu du Sud à une religion étrangère à l'époque de Vasco de Gama', Archives des sciences sociales des religions, Année 1998, Volume 103, Numéro 103, pp. 67-86.
  9. Henri CHAMUSSY, les stratégies spatiales de l'église catholiqueInstitut de géographie alpine, université Joseph-Fourier, Grenoble, Groupe Dupont, TEO (U.M.R. 5038)
  10. François Gaquere, Bossuet-Leibniz, le dialogue irénique, la réunion de églises en échec 1692-1701, Beauchesne,
  11. Les Gréco-catholiques d’Ukraine : une étude historique, sur le site de l'université catholique d'Ukraine.
  12. La vision un peu différente de l'historien Olivier Chaline recensée sur le site de l'IESR dans La Reconquête catholique de l’Europe centrale, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Éd. du Cerf, 1998
  13. « Le terme « Uniate » est utilisé par certains pour désigner ces Églises orientales unies à Rome, mais... d'autres en font un qualificatif désobligeant, voire injurieux. » Le pape Jean-Paul II en Ukraine, Dieu pourra-t-il écrire droit avec des lignes courbes ?, juin 2001.
  14. « Cette dernière question, celle du primat de l'évêque de Rome, qui est quasiment le seul point de divergence entre les Églises orthodoxes et l'Église catholique romaine. Les fortes tensions catholico-orthodoxes au sujet des Églises uniates comme les résistances orthodoxes à face à la création de diocèses catholiques en Russie manifestent paradoxalement la proximité "d'Églises sœurs". [...] L'Église orthodoxe se conçoit comme Église "universelle" ("catholique") dans un territoire donné, elle a du mal à digérer la pluralisation du christianisme en terre traditionnellement orthodoxe et défend son territoire canonique. C'est pourquoi la question des Églises uniates comme Églises orientales en communion avec Rome constitue un fait difficile à assumer dans la logique orthodoxe » in Les transformations de l'autorité religieuse, ouvr. collectif, Association française de sciences sociales des religions, éd. L'Harmattan, Paris, 2004, p. 60.
  15. Olivier Clément, théologien orthodoxe français, cité par Le pape Jean Paul II en Ukraine, Dieu pourra-t-il écrire droit avec des lignes courbes ?, juin 2001.
  16. Comme le matérialise l'iconostase qui, durant l'office sépare le clergé des fidèles.
  17. Les Gréco-Catholiques d’Ukraine: Une Étude Historique, sur le site de l'Université catholique d'Ukraine.
  18. Cf. Pastor Æternus, constitution qui affirme aussi la primauté pontificale et l'autorité directe du pape sur tous les fidèles.
  19. Cf. Mortalium animos, Lettre encyclique sur l'unité véritable de l'Église sur le site du Vatican.
  20. Mémoires de Visser 't Hooft.
  21. Son livre Chrétiens désunis lui valut bien des problèmes, racontés en détail dans son Journal d'un théologien 1946-1954, publié au Cerf en 2000.
  22. « Un seul maître » - L'autorité doctrinale dans l'Église, Paris, Bayard, 2006.
  23. C'est ainsi que le traduit l'École théologique du Soir
  24. Cf. La rencontre sacrée à Jérusalem par Aristide Panotis
  25. Par la Déclaration commune du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras exprimant leur décision d'enlever de la mémoire et du milieu de l'Église les sentences d'excommunication de 1054, qui fut lue en session solennelle du IIe concile du Vatican par Mgr J. Willebrands. En même temps, elle était lue par le secrétaire du Saint Synode, dans l'église du Phanar. Cf. le texte de la déclaration commune.
  26. Cf. Dialogues bilatéraux au niveau mondial.
  27. Nature et objet du dialogue œcuménique, Une étude du Groupe Mixte de Travail entre l’Église Catholique et le COE (2005).
  28. Cf. Baptême, Eucharistie, Ministère (document de Foi et constitution n° 111, « texte de Lima »).
  29. Cf. La Doctrine de la justification, Déclaration commune de la Fédération luthérienne mondiale et de l'Église catholique
  30. Cf. la liste des dialogues bilatéraux entre l'Église catholique et d'autres Églises.
  31. Cf. Dialogue entre l'Église catholique romaine et l'Église orthodoxe, BALAMAND (1993), après le Service orthodoxe de Presse.
  32. Dialogue entre l'Église catholique romaine et l'Église orthodoxe, BALTIMORE (2000), après le Service orthodoxe de Presse.
  33. Cf. Les Églises-Sœurs en dialogue.
  34. Cf. déclaration commune du pape Jean-Paul II et du patriarche Œcuménique Bartholomaios I.
  35. Déclaration "Dominus Iesus" sur l'unicité et l'universalité salvifique de Jésus-Christ et de l'Église.
  36. Cf. par exemple Intervention du pasteur Jean-Arnold de Clermont devant les évêques catholiques, à Lourdes, en novembre 2000.
  37. Cf. par exemple, Première réaction à l’Encyclique de Jean-Paul II, par le pasteur Gill Daude, Service œcuménique, FEDERATION PROTESTANTE DE FRANCE.
  38. Par exemple, le pape Jean-Paul II dans Ecclesia de Eucharistia envisage l'hospitalité eucharistique pour les orthodoxes, mais entourée d'un luxe de précautions qui revient, selon certains[Qui ?], à demander une conversion pure et simple au catholicisme.
  39. (en) Robert Mickens, Christa Pongratz-Lippitt, Koch says Protestants have rejected real purpose of ecumenism, The Tablet, 20 novembre 2010
  40. Cf. Ut unum sint, encyclique du pape Jean-Paul II sur l'engagement œcuménique, 25 mai 1995.
  41. Le monde aspire à une unité symphonique, intervention du cardinal Levada rapportée par l'agence ZENIT.

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