Henri Brisson | |
Portrait de Henri Brisson (entre 1860 et 1880, conservé au département des estampes et de la photographie, BnF). | |
Fonctions | |
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Député français | |
– (41 ans, 2 mois et 5 jours) |
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Élection | 8 février 1871 |
Réélection | 20 février 1876 14 octobre 1877 21 août 1881 4 octobre 1885 22 septembre 1889 20 août 1893 8 mai 1898 11 mai 1902 6 mai 1906 24 avril 1910 |
Circonscription | Seine (1871-1885 ; 1889-1902) Cher (1885-1889) Bouches-du-Rhône (1902-1912) |
Législature | Assemblée nationale de 1871 Ire, IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe, VIIe, VIIIe, IXe et Xe (Troisième République) |
Groupe politique | Union républicaine (1871-1881) Gauche radicale (1881-1902) RRRS (1902-1912) |
Prédécesseur | Joseph Chevillon (Bouches-du-Rhône) |
Successeur | Henri Tournade (Seine) Frédéric Chevillon (Bouches-du-Rhône) |
Président de la Chambre des députés | |
– (5 ans, 10 mois et 5 jours) |
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Législature | IXe et Xe (Troisième République) |
Prédécesseur | Paul Doumer |
Successeur | Paul Deschanel |
– (11 mois et 29 jours) |
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Législature | VIIIe (Troisième République) |
Prédécesseur | Léon Bourgeois |
Successeur | Paul Doumer |
– (3 ans, 5 mois et 13 jours) |
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Législature | VIe (Troisième République) |
Prédécesseur | Auguste Burdeau |
Successeur | Paul Deschanel |
– (3 ans, 5 mois et 4 jours) |
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Législature | IIIe (Troisième République) |
Prédécesseur | Léon Gambetta |
Successeur | Charles Floquet |
Président du Conseil des ministres français | |
– (3 mois et 28 jours) |
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Président | Félix Faure |
Gouvernement | Brisson II |
Législature | VIIe (Troisième République) |
Prédécesseur | Jules Méline |
Successeur | Charles Dupuy |
– (8 mois et 23 jours) |
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Président | Jules Grévy |
Gouvernement | Brisson I |
Législature | IIIe et IVe (Troisième République) |
Prédécesseur | Jules Ferry |
Successeur | Charles de Freycinet |
Ministre de l'Intérieur | |
– (3 mois et 28 jours) |
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Président | Félix Faure |
Président du Conseil | Lui-même |
Gouvernement | Brisson II |
Prédécesseur | Louis Barthou |
Successeur | Charles Dupuy |
Ministre de la Justice | |
– (8 mois et 23 jours) |
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Président | Jules Grévy |
Président du Conseil | Lui-même |
Gouvernement | Brisson I |
Prédécesseur | Félix Martin-Feuillée |
Successeur | Charles Demôle |
Biographie | |
Nom de naissance | Henri Eugène Brisson |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Bourges (Cher) |
Date de décès | (à 76 ans) |
Lieu de décès | Palais Bourbon, Paris 7e (Seine) |
Sépulture | Cimetière de Montmartre, Paris 18e |
Nationalité | Française |
Parti politique | Parti radical |
Conjoint | Julie Clorinde Alexandrine Tajan-Rogé |
Diplômé de | Faculté de droit de Paris |
Profession | Avocat Journaliste |
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Chefs du gouvernement français | |
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Henri Brisson, né le à Bourges (Cher) et mort le à Paris (Seine), est un avocat, journaliste et homme d'État français.
Son père, Louis-Adolphe Brisson, avoué d'appel à Bourges, où il a formé un parti républicain, et la Revue mensuelle et, en 1831, la Revue du Cher, de l’Indre et de la Nièvre à la fin de la Restauration, a été président du comité antiplébiscitaire de 1870, et a été élu au conseil général du Cher, comme candidat républicain[1]. Après de bonnes études au lycée de Bourges, il fait son droit à Paris[1]. Encore étudiant, il se lie d'amitié avec des professeurs démissionnaires pour refus de serment à l'Empire, comme Frédéric Morin, Jules Barni, Eugène Despois et Ribert[1]. À 19 ans, en 1854, il participe avec ceux-ci à la fondation, au Quartier latin, de l'Avenir, le premier journal républicain du quartier Latin[1], revue hebdomadaire des lettres, avec la collaboration d'Eugène Pelletan, de Catalan et de Vacherot. Le journal l'Avenir est supprimé peu après par jugement. Brisson y a publié, par exemple, des articles sur Marnix de Sainte-Aldegonde et Les Révolutions d'Italie d'Edgar Quinet ainsi que Les Réformateurs au XVIe siècle de Victor Chauffour.
En , il entre dans les loges maçonniques, dont il devient bientôt l'un des membres les plus actifs et où il se révèle son talent oratoire[1].
En 1856-57, il collabore à la feuille italienne la Ragione, journal de philosophie religieuse, politique et sociale, fondée à Turin par Ausonio Franchi. Au rang des collaborateurs de la Ragione, figurent Charles Renouvier, Louis de Potter, Edgar Quinet et Louis Blanc. Brisson y publie des Lettres sur le mouvement littéraire et philosophique français. Il collabore également à la Revue philosophique et religieuse avec Émile Littré, Charles Renouvier, Amédée Guillemin, Élisée Reclus et Charles Fauvety.
En , avec Frédéric Morin et quelques autres amis, il contribue à la création du Progrès de Lyon, journal libéral, très hostile à l'Empire. Il y publie une rubrique Correspondance parisienne, que le préfet du Rhône, au bout de peu de temps, ordonne de ne plus faire insérer[2],[3]. De 1861 à 1865, Brisson collabore au Phare de la Loire, y donnant de nombreux articles politiques, ainsi que quelques critiques littéraires, comme son grand article sur l’Histoire de la campagne de 1815 d’Edgar Quinet, et le texte de conférences qu'il fait à Paris en sur des pamphlétaires, tels Paul-Louis Courier et Claude Tillier[3].
Il va passer l'hiver en Égypte, et il fait paraître dans la Réforme littéraire une série de lettres intitulée Au bord du Nil, mêlant charme descriptif et pensée philosophique[3]. Outre la Réforme littéraire et le Phare de la Loire (1861)[1], il publie également dans la Revue littéraire du mois de Lille un article sur les brochures que viennent de faire paraître Ernest Renan et Charles Lemonnier[3]. Enfin, le , il entre au Temps, fondé et dirigé par Auguste Nefftzer, où on remarque un article sur la mort de Prosper Enfantin[3], et qu'il quitte au mois de pour L'Avenir national, fondé par Alphonse Peyrat, journal républicain plus avancé[1] et où il devra rester jusqu'à la guerre de 1870. En 1868, il crée et rédige, avec ses amis Challemel-Lacour et Gambetta, la Revue politique, est poursuivi pour un article publié dans ce recueil et prononce lui-même sa défense en police correctionnelle, qui est très remarquée[1].
Il s’est fait un nom dans le journalisme avant de s’en faire un comme orateur et comme homme politique[1]. À ce point de vue, il est en 1866, du très petit nombre de ceux qui, avant Sadowa, ont signalé le danger que l'ambition de la Prusse faisait courir à la France, à une époque où presque tous les écrivains du parti républicain démocratique se prononçaient pour la Prusse contre l’Autriche[3].
Le dimanche paraît le premier numéro de la Morale Indépendante, hebdomadaire fondé avec Alexandre Massol, et qui sert d'organe à un mouvement philosophique qui part des loges maçonniques dans le but d'opposer la morale humaine, progressive, à la morale théologique et ascétique[3]. De 1865 à 1867, Il y publie, outre ses articles de polémique courante, de nombreux articles philosophiques et littéraires, qui ont un succès suffisant pour que le Père Hyacinthe, qui prêche alors à Notre-Dame, consacre ses conférences de l'Avent 1865-1866, à combattre les doctrines de la Morale indépendante[3].
À partir de cette période, son engagement politique, manifeste déjà depuis de nombreuses années, s'intensifie. Le , il entre à la Revue Nationale et étrangère, fondée par l'éditeur Gervais Charpentier, revue libérale et littéraire où collaborent Édouard Laboulaye, Pierre Lanfrey, Eugène Despois, etc. Il y publie divers articles contre la Prusse et il est chargé de la chronique politique quand la Revue Nationale devient hebdomadaire[3]. Il multiplie ses articles politiques dans l'Almanach de la Coopération (par exemple La Tyrannie au village ou N'oublions pas la politique) et dans le Siècle, préface l'ouvrage l'Angleterre et ses institutions et, en 1868, participe à la fondation de la Revue politique et littéraire avec Gambetta, Challemel-Lacour, Allain-Targé, Clément Laurier, etc. Il écrit des articles sur Dufaure, sur la France Nouvelle, ouvrage de Prévost-Paradol, qui y défend le gouvernement parlementaire, sur la Révolution, sur le salaire des cultes, sur la souscription Baudin[3]. Ce dernier article lui vaut de passer au tribunal. Étant avocat, il se défend seul et est condamné, mais ce procès et cette condamnation le lancent définitivement dans la politique militante[3].
Candidat à Paris aux élections complémentaires de 1869, il a le plus grand succès dans les réunions politiques, mais se voit préférer Glais-Bizoin[1]. Après le , il entre comme garde national dans le corps d’artillerie du colonel Schœlcher, qu'il abandonne bientôt pour remplir les fonctions d'adjoint au maire de Paris[4]. Nommé après le adjoint au maire de Paris, dans la soirée du , il joint sa signature à celles de Dorian, Schœlcher, Arago, Floquet et Hérisson sur l’affiche qui convoque les électeurs pour la nomination d'un conseil municipal. Cette affiche ayant été désavouée par le gouvernement, il donne sa démission d'adjoint, mais conserve ses fonctions de membre de la commission de l'assistance publique et de l'enseignement primaire, où il a plusieurs fois l'occasion de défendre avec énergie la cause de l'enseignement laïque[1].
Élu à l’Assemblée nationale représentant de la Seine le , il siége à l'extrême gauche[1]. Alors qu'il n'a pas approuvé la Commune, il est le premier à proposer une amnistie pour les condamnés (), ainsi que d'une des propositions de dissolution déposées au nom de l'extrême gauche[1], mais sa proposition est rejetée aux voix. Membre du groupe de l'Union républicaine, il en devient le président. Réélu en 1876, il est en l'un des signataires[5] du manifeste des 363. Il est également président de la commission du budget en 1879, président de la Chambre des députés le , en remplacement de Gambetta jusqu'en , où il devient président du Conseil après la démission de Jules Ferry. Mais il démissionne quand, après les élections générales de cette année-là, il n'obtient que de justesse une majorité lors du vote de crédits pour l'expédition du Tonkin.
Élu, aux élections législatives du , pour le 10e arrondissement de Paris (Seine), par 15, 650 voix, un groupe d'électeurs de cet arrondissement lui soumet le programme suivant : « Amnistie ; Suppression de l'état de siège ; liberté de la presse ; Liberté d'association et de réunion ; Élection des maires et adjoints par les conseillers municipaux ; Instruction primaire obligatoire, gratuite et laïque ; Défense de la société civile contre l'envahissement clérical ; Séparation de l'Église et de l’État ; Service militaire obligatoire pour tous; Révision de l'assiette des impôts tendant à dégrever le travail et la production[4]. » Il leur répond :
« Sur les dix articles que contient votre programme, il en est huit dont j'ai déjà pris la défense à la tribune de l'Assemblée nationale. J'ai soutenu les deux autres de mes votes. C'est le programme de la République radicale, (c’est-à-dire de la République démocratique, libérale, progressive, ouverte à toutes les bonnes volontés. Si les électeurs m'honorent de leurs suffrages. je ferai dans l'avenir ce que j'ai fait dans le passé; mes efforts seront consacrés à. poursuivre la réalisation de nos principes communs. Vous me permettrez d'insister plus spécialement sur un point : la défense de la société civile contre le parti clérical. Le parti clérical, tel est l'adversaire contre lequel il faut lutter sans violence, mais non sans faiblesse, par la libre discussion et par les lois[4]. »
En 1885, 1887, 1894 et 1895, il est candidat à l'élection présidentielle, où il échoue à sa dernière tentative face à Félix Faure (361 voix contre 430 sur 801 votants).
Il prononce un grand nombre de discours : sur le conseil supérieur de l’instruction publique, sur la nouvelle loi du jury, sur la loi Ernoul donnant à la commission de permanence le droit de requérir durant les vacances des poursuites en cas d’offense à l’Assemblée, contre la restitution aux princes d’Orléans des biens formant l’objet de la donation du , contre la loi des maires, la loi électorale politique et la loi électorale municipale, etc[1]. Il préside la réunion de l'Union républicaine, voté pour l’ensemble des lois constitutionnelles, contre l’abrogation des lois d'exil, le , l'état de siège et la loi des maires[4]. Il mérite également la reconnaissance des Parisiens, en faisant adopter par l’Assemblée la loi grâce à laquelle a été rendu au conseil municipal de Paris le droit de voter son budget extraordinaire, droit dont une loi de l’Empire restée en vigueur l’avait dépouillé. Sans cette sage précaution à laquelle personne ne songeait, l’Assemblée aurait eu le droit de régler le budget de la ville, et le maintien de cette législation aurait pu provoquer de graves conflits[1].
Toujours homme public en vue, il prend une part prépondérante dans la dénonciation du scandale de Panama et est au nombre des candidats le plus évoqués pour la présidence après l'assassinat du président Carnot en 1894. Il redevient président de la Chambre de décembre 1894 à 1898. En , il forme un gouvernement quand le pays est violemment agité par l'affaire Dreyfus ; il pend parti pour Alfred Dreyfus. Il a comme secrétaire particulier un jeune avocat israélite : Louis André Caen ; sa fermeté et son honnêteté augmentent le respect du public à son endroit, mais un vote hasardeux renverse son ministère en octobre[6]. Comme chef des radicaux, il soutient activement les ministères Waldeck-Rousseau et Combes, particulièrement en ce qui concerne les lois sur les congrégations religieuses et la séparation de l'Église et de l'État. Il est élu président de la Chambre des députés par 500 voix sur 581.
Le , les congressistes du Parti radical le nomment, par acclamation, membre du comité exécutif de cette formation politique[7].
Franc-maçon, fermement anticlérical, il est partisan convaincu de l'éducation primaire obligatoire[8]. Il est initié et reçu dans la loge « Saint Vincent de Paul » n°133, appartenant à la Grande Loge centrale de France au sein du Suprême Conseil de France le [9]. Cette loge prend ensuite la dénomination de « La Justice » no 133. Elle appartient à la Grande Loge de France[n 1], créée en 1894. Il est très actif jusqu'en 1870 et bénéficie d'une aura et d'une image importante au sein de la franc-maçonnerie en général[10]. Il s'en détache partiellement par obligation, ses engagements politiques l'éloignant parfois des temples maçonniques[11].
On lui prête une intervention particulière à la tribune de l'Assemblée nationale qui est demeurée célèbre mais qui n'est attestée d'aucune façon, documents officiels, articles de journaux, ni de témoignages[11]. Le , Henri Brisson y aurait fait le célèbre « signe de détresse » maçonnique : du haut de la tribune, Brisson prend une posture peu ordinaire, il croise les doigts, paumes vers l’avant, tend les bras au-dessus de sa tête, face vers le ciel, renverse son corps en arrière (un signe appartenant au grade de maître maçon) et lance un « À moi les enfants de la veuve ! » Ce cri, dit-on, aurait permis de rallier les députés francs-maçons présents et sauver le ministère Waldeck-Rousseau[12].
Il occupe les fonctions de président du Conseil des ministres à deux reprises :